Le président français Emmanuel Macron a répliqué vertement samedi aux nouvelles attaques de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan et a rappelé à Paris l’ambassadeur de France, un acte diplomatique rare.
La présidence française a dénoncé auprès de l’AFP les propos jugés “inacceptables” du président turc – qui avait mis en question “la santé mentale” d’Emmanuel Macron en raison de son attitude envers les musulmans -, mais aussi noté “l’absence de messages de condoléances et de soutien du Président turc après l’assassinat de Samuel Paty”, une semaine après la décapitation de cet enseignant par un islamiste près de Paris. Le courroux français se traduit par le rappel immédiat de l’ambassadeur de France à Ankara, semble-t-il pour la première fois de l’histoire des relations diplomatiques franco-turques. L’acte, dit l’entourage d’Emmanuel Macron, se veut “un signal très fort”.
Le précédent rappel à Paris d’un ambassadeur de France “en consultation”, selon l’expression consacrée, remonte à février 2019, pour protester contre une rencontre entre Luigi di Maio, alors vice-premier ministre italien, et des “gilets jaunes”.
En novembre dernier, M. Erdogan avait déjà mis en cause la santé mentale d’Emmanuel Macron, répliquant aux propos du président français sur la “mort cérébrale” de l’Otan en l’invitant à “examiner sa propre mort cérébrale”. “Des insultes et des provocations d’Erdogan, on en a eu quasiment toutes les semaines cet été”, admettait-on samedi dans l’entourage du président Macron. Ce qui changerait cette fois, c’est “le contexte”.
Environ 200 personnes ont manifesté samedi soir devant la résidence de l’ambassadeur de France en Israël pour dénoncer les propos d’Emmanuel Macron sur les caricatures du prophète Mahomet tandis que des manifestants ont brûlé des photos du président français dans la bande de Gaza.
Sur le plan international, souligne-t-on, “les lignes ont bougé. Nous avons éveillé les partenaires européens au risque posé par Erdogan” en Méditerranée orientale, dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, en Libye, ou encore en Syrie. En France surtout, l’assassinat de l’enseignant a conduit l’exécutif à accentuer l’initiative déjà engagée contre l’islam politique, suscitant la colère du dirigeant turc islamo-conservateur.
“Outrance” et “grossièreté”
Il y a deux semaines, M. Erdogan avait dénoncé comme une provocation les déclarations de son homologue français sur le “séparatisme islamiste” et la nécessité de “structurer l’islam” en France, alors que l’exécutif présentait son futur projet de loi sur ce thème. Il a enfoncé le clou samedi dans un discours télévisé : “Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’État qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est: allez d’abord faire des examens de santé mentale”.
Pour l’Élysée, “l’outrance et la grossièreté” d’Ankara passent moins que jamais, au surlendemain de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty à l’université parisienne de la Sorbonne. Dans son allocution jeudi soir, Emmanuel Macron avait notamment promis que la France continuerait de défendre les caricatures. Depuis, selon l’entourage du président, “les Turcs diffusent une sorte de propagande absurde, par exemple que le président a décidé de projeter les caricatures de Mahomet sur les bâtiments publics”.
Les appels au boycott des produits français se multiplient d’autre part depuis vendredi dans plusieurs pays arabes en réaction au discours présidentiel à la Sorbonne. Aux yeux de Paris, “il y a une campagne islamiste contre la France. Elle est organisée, elle n’est pas le fait du hasard, et les émetteurs sont très largement turcs”.
Sur le fond, des tensions en Méditerranée au conflit en Libye, en passant par les affrontements au Nargorny Karabakh, de nombreux dossiers opposent actuellement Paris et Ankara. L’Élysée a de nouveau réclamé samedi “que la Turquie mette fin à ses aventures dangereuses en Méditerranée et dans la région”, et dénoncé le “comportement irresponsable” d’Ankara au Haut-Karabakh.
“Des exigences sont posées. Erdogan a deux mois pour répondre. Des mesures devront être prises à la fin de cette année”, a ainsi déclaré l’Elysée à propos de la Méditerranée orientale.
Appels au boycott de produits français dans des pays musulmans
Les appels au boycott de produits français se sont multipliés samedi dans plusieurs pays du Moyen-Orient, après l’émoi suscité par les propos du président Emmanuel Macron, qui a promis de ne pas “renoncer aux caricatures” du Prophète Mahomet, interdites dans la religion musulmane.
Le chef de l’État français s’était exprimé jeudi lors d’un hommage au professeur Samuel Paty, décapité par un assaillant islamiste après avoir montré à ses élèves de 4e des dessins de Mahomet à l’occasion d’un cours sur la liberté d’expression.
La Turquie, l’Iran, la Jordanie ou encore le Koweït ont dénoncé la publication des caricatures du Prophète. L’Organisation de coopération islamique, qui réunit les pays musulmans, a déploré “les propos de certains responsables français (…) susceptibles de nuire aux relations franco-musulmanes”.
Sur les réseaux sociaux, les appels au boycott de produits français se sont multipliés depuis vendredi, à travers les hashtags en arabe. Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq al-Baladi ont annoncé qu’elles “retireraient” les produits français des magasins jusqu’à nouvel ordre. Dans l’un des magasins d’Al-Meera, un correspondant de l’AFP a vu des employés retirer des étagères des confitures de la marque St. Dalfour.
L’Université du Qatar a annoncé vendredi sur Twitter le report de la semaine culturelle française à la suite de “l’atteinte délibérée à l’islam et ses symboles”. Au Koweït, des images montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées sur les réseaux sociaux.
Une soixantaine de sociétés coopératives, qui sont de grands distributeurs au Koweït, ont annoncé un boycott des produits français, a précisé à l’AFP le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled al-Otaibi. “Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, crèmes et cosmétiques des rayons et les avons restitués aux agents agréés de ces marques au Koweït”, a-t-il expliqué.
Quelque 430 agences de voyages du Koweït ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a indiqué à l’AFP le chef de la Fédération des agences de voyages koweïtiennes, Mohammad al-Motairi. En Jordanie, le Front d’action islamique, un parti d’opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français. Les pays du Golfe, notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, représentent un marché de plus en plus important pour les exportations de l’industrie agroalimentaire française.
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